« Le vent de ses yeux m'emporte vers lui, et même si mon corps immobile résiste, ma main se retourne pour rencontrer sa paume. Dans le cercle de lumière la vie de ma main se perd dans la sienne et je ferme les yeux. Il me soulève de terre, et dans des gestes connus l'enchantement de mes sens ressuscite, réveillant à la joie mes nerfs et mes veines. Je ne m'étais pas trompée, la Mort me surveille à distance, mais juste pour me mettre à l'épreuve. Il faut que j'accepte le danger, si seul ce danger a le pouvoir de rendre vie à mes sens, mais avec calme, sans tremblements d'enfance. » L'Art de la joie est principalement le roman d'une vie, celle de Modesta, personnage magnifique né le 1er janvier 1900 sur les pentes de l'Etna, en Sicile. Du chaos misérable de son enfance aux hasards de la vie qui feront d'elle l'héritière insoumise d'une famille dégénérée de nobles siciliens, c'est en fait à un apprentissage de la liberté que cette oeuvre nous invite.
« Au début de l'été 58, dix ans exactement après notre première rencontre et trois après la fameuse nuit ivre de confessions, de silences et de parfums, je reçus une carte postale géante de New York avec une vue nocturne de Manhattan (entre nous s'était instauré un championnat de ''mauvais goût'', qui consistait à dénicher ce qu'il y avait de pire, dans l'ancien comme dans le moderne, dans ce moyen de communication), où la petite écriture précise, un peu ostentatoirement démodée, de cette snob d'Erica, annonçait : '' Je t'attends en juillet à Positano, je suis heureuse ! Et je désire te faire connaître la cause de ce bonheur. Je me sens miraculée. Considère-moi comme une miraculée !'' ».
Rendez-vous à Positano est un roman d'amour, un texte dédié à une femme et un lieu. Dans l'après-guerre, Goliarda Sapienza découvre un modeste village hors du temps, niché tout près de Naples : Positano. Elle y fait la connaissance d'Erica, une jeune femme qui allait devenir pendant près d'une vingtaine d'années une soeur d'âme. Longtemps après la disparition de son amie, en 1985, l'écrivaine décide de revenir sur cette histoire pour sauver de l'oubli ce qui fut balayé par le destin.
Il s'agit d'un monument de la littérature enfantine et de la littérature italienne. Son contenu mythique, poétique et parfois émouvant dépasse cependant largement le domaine des enfants. Tous prennent plaisir à ce livre écrit dans un style à la Jules Renard : le récit narre les souffrances, dignes d'un roman de Sade, endurées par un pauvre pantin, avatar enfantin d'Arlequin. Tout va très vite, la fugue de Pinocchio, ses bonds de lièvre, sa fougue de cheval emballé, le corps à corps avec le carabinier, les mouvements de foule, l'arrestation de Geppetto, l'assassinat du Grillon, les éclairs d'une nuit de tempête, les pieds du pantin qui prennent feu, l'histoire de la Fée, «une sorte de mère»... Et un beau jour Pinocchio prend la plume pour écrire Pinocchio, un drôle de livre pour tous et pour chacun.
L'Université de Rebibbia est le récit du séjour que fit Goliarda Sapienza dans une prison romaine en 1980. Moment critique dans la vie de l'auteur : après s'être consacrée de 1967 à 1976 à l'écriture du monumental roman L'Art de la joie et avoir fait face à un refus général des éditeurs italiens, c'est une femme moralement épuisée qui intègre l'univers carcéral de Rebibbia, la plus grande prison de femmes du pays. Pour un vol de bijoux qu'il est difficile d'interpréter : aveu de dénuement ? Acte de désespoir ? N'importe. Comme un pied de nez fait au destin, Goliarda va transformer cette expérience de l'enfermement en un moment de liberté, une leçon de vie. Elle, l'intellectuelle, la femme mûre, redécouvre en prison - auprès de prostituées, de voleuses, de junkies et de jeunes révolutionnaires - ce qui l'a guidée et sauvée toute sa vie durant : le désir éperdu du monde.
L'Université de Rebibbia est un nouveau tour de force dans l'oeuvre d'une femme au parcours décidément hors norme. Il fut immédiatement perçu comme un texte important en Italie. Publié par la prestigieuse maison d'édition Rizzoli, le livre fut accueilli avec enthousiasme par la critique et le public. On découvrait avec étonnement une écrivaine déjà âgée, partageant avec drôlerie et férocité son expérience d'une prison qui, pour reprendre ses mots, « a toujours été et sera toujours la fièvre qui révèle la maladie du corps social ».
Les Certitudes du doute est le récit de la relation passionnelle que Goliarda Sapienza eut, au début des années 1980, avec une jeune femme révolutionnaire rencontrée en prison. Ensemble, elles vont parcourir une Rome secrète et chancelante, prise entre le poids de son histoire et la désolation de la modernité marchande.
Les Certitudes du doute dévoile aux lecteurs une autre facette de Goliarda Sapienza, celle d'une femme éprise, qui fait des rues et des sous-sols romains le théâtre de ses émotions. Après Moi, Jean Gabin, qui narrait son enfance en Sicile, et L'Université de Rebbibia, récit de son séjour carcéral dans la prison de Rome, ce nouveau récit clôt le cycle que Goliarda Sapienza avait intitulé Autobiographie des contradictions.
Le texte témoigne une nouvelle fois de la quête incessante de vérité de Goliarda Sapienza, de son désir permanent de questionner sa vie et le monde qui l'entoure. Ancrée dans son siècle autant que farouchement décidée à échapper aux embrigadements de toutes sortes, elle nous donne une nouvelle leçon de vie.
Si Goliarda Sapienza est connue pour ses romans, et notamment son chef-d'oeuvre L'Art de la joie, ses premiers écrits étaient des poèmes.
Longtemps rejetés par les éditeurs italiens, ce n'est qu'en 2013 qu'ils ont été publiés pour la première fois. Écrits dans les années cinquante, on retrouve dans ces textes imprégnés de mélancolie, de solitude et de désir, la mythologie personnelle de l'auteure et les motifs qui parcourront par la suite l'ensemble de son oeuvre.
C'est dans une édition bilingue que nous proposons aux lecteurs de découvrir Ancestrale, dans l'espoir que ce livre rendra au mieux la singularité et la beauté de la voix de Goliarda Sapienza.
Acculée par ses contradictions, ses traumatismes et ses peurs, Goliarda Sapienza a décidé de faire face et de se confronter aux chaos de son passé.
C'est cela que nous propose avant tout Lettre ouverte, la conscience d'un conflit intérieur majeur et la volonté de le surmonter. Peu importe si cette aventure oblige Sapienza à couper les ponts avec le monde culturo-bourgeois qui était le sien jusqu'alors, si elle la laisse cloîtrée chez elle, l'écrivaine ira jusqu'au bout :
« Je me trouve maintenant avec les tiroirs ouverts débordant de lettres, de photographies. Des rubans, des chemisiers, des livres en tas en plein milieu de la pièce, par terre?; la porte crucifiée par l'échelle que le concierge m'a prêtée. Je ne pourrai plus sortir. Je resterai ensevelie entre le divan et la porte. » Lettre ouverte a d'abord été publié en 2008 par les éditions Viviane Hamy, au sein d'un recueil intitulé Le Fil d'une vie. Pour cette nouvelle édition, la traductrice a entièrement révisé sa première traduction, forte de sa connaissance des oeuvres découvertes par la suite et des singularités - si grandes - de la langue de Goliarda Sapienza.
La ville de Catane, en Sicile, au début des années 30. Le fascisme se déploie sur l'île, quand une enfant ressort exaltée d'une salle de cinéma de quartier. Elle a la démarche chaloupée, une cigarette imaginaire au bec et l'oeil terrible. Elle vient de voir le film Pépé le Moko et, emportée par cette incarnation du désir et de l'insoumission, elle n'a désormais plus qu'une idée en tête : être Jean Gabin.
Écrit par l'auteur de L'Art de la joie dans les dernières années de sa vie, à un moment où son oeuvre demeurait méconnue, Moi, Jean Gabin est un étrange roman autobiographique, l'histoire magnifiée d'une enfance dans la Sicile de l'entre-deux-guerres. Véritable testament philosophique, ce livre se révèle être un des plus beaux textes de Goliarda Sapienza, un éloge de la liberté et des rêves qui ont précocement nourri sa vie.
En 1976, Goliarda Sapienza en a fini avec l'écriture de L'Art de la joie : dix ans de sa vie viennent de trouver leur conclusion. Réduite à une grande précarité financière, l'écrivaine ressort de cette aventure épuisée.
Commence alors pour elle, tout d'abord de façon anodine, le projet d'écrire au fil des jours ses pensées dans un carnet. Ce qu'elle ignore, c'est qu'elle poursuivra ce projet durant vingt ans, jusqu'à sa mort en 1996, remplissant ainsi près de 8 000 pages réparties sur plus d'une quarantaine de carnets.
Et c'est un chemin de vie, fuyant l'arrogance des certitudes, qu'elle choisit d'emprunter et que l'on voit se dessiner au gré des pages, à mille lieues de toute sensiblerie : « Si tu ne travailles pas, ça veut dire que tu es une conne comme tant d'autres, qui lisent des choses, en tirent des idées de vie positives et puis n'en font rien. Et toi, Goliarda, l'histoire de Modesta, tu l'as lue, ou pas? Apprends d'elle, et suis ton chemin. » (Carnets, janvier 1979) Exceptionnel par son ampleur et sa vérité, ce journal est désormais considéré comme l'autre grand chef-d'oeuvre de Goliarda Sapienza.
Après le livre sur Berthe Morisot (2021), Pagine d'Arte accueille un nouveau texte d'Elisabetta Rasy, cette fois sur la vie et l'oeuvre de Suzanne Valadon. Au départ, tout oppose ces deux artistes. La première, née dans la familiarité des poètes et des artistes, a toujours été entourée et suivie par des maîtres qui ont su stimuler son talent ; Suzanne Valadon, au contraire, est née en province de père inconnu et dans une situation familiale d'extrême précarité. Enfant, sa mère l'emmène à Paris où le village de Montmartre promet du travail... et l'enfant qui refuse l'école deviendra modèle avant de passer de l'autre côté du chevalet : sa place est devenue rapidement celle du peintre. Habituée à défier l'ordre établi, Suzanne Valadon quitte son rôle de modèle et s'invente artiste, écartant des obstacles de tout genre. Mais sa persévérance lui permettra de connaître, encore en vie, la reconnaissance de son oeuvre, notamment de la part d'artistes comme Toulouse-Lautrec. Son fils unique, Maurice Utrillo, toujours soutenu dans son art et son talent par sa mère, deviendra à son tour un peintre reconnu. Entre difficultés et extravagances, comme le souligne bien Elisabetta Rasy dans son texte, Suzanne Valadon et Maurice Utrillo ont su créer leur place dans l'histoire de la peinture.
Carlo et Margherita s'aiment mais commencent à douter de leur capacité à rester fidèles. Quand Carlo est pris sur le vif avec une de ses étudiantes, Sofia, le couple vacille, et Margherita, troublée, cède une fois à la tentation. Puis c'est au tour de sa mère, Anna, de se mettre à douter de la loyauté de son défunt mari. Pour contrer ce chaos intime, Margherita mise tout sur un appartement hors de prix qui pourrait sauver son couple.
Neuf ans plus tard, le couple y vit, avec un enfant. Margherita a gardé sereinement en elle son secret, mais Carlo reste marqué par son infidélité ratée. Lorsque Anna, leur grande alliée, s'affaiblit, les doutes refont surface et l'ombre de Sofia revient planer. Et si finalement s'aimer, c'était toujours douter ?
PRIX STREGA GIOVANI 2019.
Quand Elena, vingt-six ans, surprend son petit ami avec une autre dans la cuisine du restaurant dont ils ont tous deux la gestion, son univers s'écroule. Elle qui pensait avoir enfin trouvé l'équilibre après une enfance malheureuse doit maintenant affronter seule la vie et cesser d'avancer avec des oeillères. Il est temps qu'elle accepte son don, celui que chacune des femmes de sa famille s'est transmis au fil des siècles : la capacité à traduire les sentiments et les atmosphères en parfums. Elle quitte alors Florence pour s'installer à Paris, où elle est recrutée par un parfumeur de renom. Et, quand elle fait la rencontre du mystérieux Cail McLean, le bonheur semble enfin à portée de main. Pourtant...
Goliarda Sapienza, telle que je l'ai connue est le témoignage émouvant de celui qui a été le dernier compagnon de Goliarda Sapienza et qui, après sa mort, a sauvé son oeuvre de l'oubli. Lui-même comédien, écrivain, traducteur et éditeur, Angelo Maria Pellegrino dirige désormais en Italie l'édition des oeuvres complètes complètes de Sapienza au sein des prestigieuses éditions Einaudi. Son texte, inédit, est adressé aux lecteurs français, qui ont été les premiers a reconnaître l'importance de Goliarda Sapienza. On y découvre avec des mots empreints d'amour les arcanes d'une des personnalités les plus singulières de la littérature contemporaine. Se dessinent l'univers hors norme de l'enfance de Sapienza, ses convictions politiques, ses errances, ses indignations, ses contradictions et les mouvements d'une vie qui la plongèrent dans les désespoirs les plus profonds comme les joies les plus minérales. Goliarda Sapienza voulait que la littérature et la vie se rejoignent, ne fassent qu'un. Grâce au témoignage de son ultime compagnon, on comprend à quel point cette exigence la poussa au plus loin de l'existence et de cette phrase qu'elle écrivit dans l'un de ses livres : «Qu'est ce que la beauté, sinon de la cohérence ?»
Elisabetta Rasy invite le lecteur à une rencontre inattendue avec Berthe Morisot, dont elle raconte l'immense talent et son indépendance par rapport au contexte de sa famille et de son époque. Née en 1841, l'artiste fréquente très tôt les milieux artistique et intellectuel parisien. Elle y côtoie la famille Manet, mais aussi Degas, Mallarmé, Renoir, Claude Monet et Zola. Les cours de dessin de Berthe et de sa soeur Emma répondent aux exigences d'une bonne éducation.
Berthe poursuit sa formation et devient l'élève de Corot. Impressionné par la figure austère et séduisante de Berthe, Édouard Manet dessine et peint de nombreux portraits de l'artiste. Elle, de son côté, restera toute sa vie fascinée par la peinture de Manet, devenu son beau-frère à la suite de son mariage avec Eugène Manet, de qui elle aura une fille, Julie. Grâce à son talent et à sa détermination, Berthe Morisot sera reconnue, avec Mary Cassat, comme une des rares peintres impressionnistes. Paul Valéry, devenu par la suite de sa famille, est l'auteur de plusieurs textes sur l'artiste.
Pagine d'Arte propose un livre qui associe, comme souvent, les mots et les images: le texte de Serena Piazza - destiné à tout public - est construit parallèlement aux illustrations de Nadia Campanotta. Inspirées par la musique de George Gershwin - le grand compositeur et pianiste américain (1898-1937) - l'écrivaine et l'artiste imaginent les débuts du grand musicien dans la New York des années 20 et au sein d'une famille de juifs russes immigrés aux États-Unis, pour qui la musique constitue une présence régulière. L'arrivée en famille du premier piano, destiné à son frère aîné, Ira - va permettre à George de révéler ses grands talents de musicien. Ce livre raconte une spéciale journée de Gershwin :
Celle d'une promenade dans New York et de l'agacement (la fureur même) parce qu'on a annoncé un concert avec une oeuvre qu'il n'a pas encore écrite... celle de la rencontre d'une jeune femme dont il tombe amoureux.. une journée où il éprouve une forte envie de composer et où, à son retour précipité devant sa porte, il la trouve fermée...
Un monument de la littérature italienne, illustré entre légèreté et noirceur par Jérémie Almanza.Deuxième livre le plus vendu en Italie au XXe siècle après La Divine Comédie de Dante Alighieri, Pinocchio est un monument de la littérature italienne. « Il nous est naturel de penser que Pinocchio a toujours existé, on ne s'imagine pas en effet un monde sans Pinocchio. » Cette très belle édition inédite traduite par Nathalie Castagné propose une immersion dans un imaginaire où la dualité est mise à l'honneur par l'illustrateur, Jérémie Almanza : personnages cartoonesques et véritables monstres, décors enchanteurs et environnements délétères... Son souhait, faire se côtoyer légèreté et noirceur.Au coeur de l'Italie, Geppetto vieillard solitaire fabrique accidentellement dans un morceau de bois un pantin extraordinaire capable de parler, et dont le nez s'allonge à chaque mensonge...Il l'appelle Pinocchio.
L'ambition d'Adriano Olivetti (1901-1960) est celle de créer une activité industrielle moderne, dans le cadre d'une vision humaniste et du respect du travail de ses collaborateurs. Il est sensible aux relations sociales et en même temps attentif à la communication d'entreprise. Olivetti essaie de rénover l'esprit de la culture italienne en modernisant le monde du travail. Le fascisme brise son espoir d'un socialisme modéré et l'oblige, en tant que juif, à se réfugier en Suisse en 1944. Il accomplie un tour industriel aux Etats-Unis où il étudie le passage de la production de la phase mécanique vers le nouveau modèle de l'électronique.
Homme de pensée et homme d'action, Adriano Olivetti a inventé une icône mondiale en créant sa mythique machine à écrire Lettera 22. Proche de Denis de Rougemont, il s'engage dans la défense d'un idéal mouvement fédéraliste pour l'Europe. Sa vision performante et humaniste du monde du travail en pleine évolution, est ici proposée pour la première fois en français. Adriano Olivetti était persuadé que les racines de l'être humain se trouvent dans la nature : il insiste sur la responsabilité de l'homme vers l'environnement et propose une société nouvelle à la mesure de l'homme.
Contenu du livre. Ce sont les frères Piccolo (un peintre et un poète, Casimiro et Lucio), amis intimes de la famille Lampedusa, qui ont laissé dans leurs papiers ces lettres imaginaires que l'auteur du Guépard leur a toutefois effectivement envoyées entre 1925 et 1930. Lampedusa (né en 1896 et mort en 1957) avait donc moins de trente ans. Ces textes facétieux et poétiques (signés le « Monstre ») révèlent de l'écrivain sicilien une facette inattendue, dans l'humour caustique, dans la verve. Moins inattendues sont son extrême érudition et sa curiosité. La grande découverte qu'apporte cette publication (le livre a paru en Italie en décembre 2006, c'est-à-dire près d'un demi-siècle après sa mort) est que Lampedusa n'est pas un écrivain de la maturité, mais que dès sa jeunesse, il avait une vocation littéraire profonde. On doit lire ces lettres comme un tableau de la Sicile, et de Palerme en particulier, à travers l'Europe : l'écrivain, en effet, feint d'être une sorte de Candide ou plutôt d'auteur des lettres persanes de Montesquieu qui décrit, pour des amis restés en Sicile, Londres, Paris, puis l'Allemagne, la Suisse et la Russie. Mais les références culturelles sont nombreuses : Proust qui vient de mourir, Dickens, Chesterton sont en quelque sorte les modèles plus ou moins conscients de cette série de portraits, situés dans le milieu des ambassades, mais aussi dans des milieux intellectuels ou populaires. La lecture très vivante annonce déjà le ton de certains passages du Guépard et l'on sent dans ces lettres un tempérament à la fois ironique et
désabusé et une grande poésie. La Sicile, on l'a souvent dit, est nourrie du xviiie siècle : aussi est-ce essentiellement aux écrivains anglais du « Grand Tour » que l'on pense. C'est également un document exceptionnel sur la période du début du fascisme et de celle qui annonce la montée du nazisme en Allemagne. Lampedusa était alors un aristocrate curieux, mais il était loin d'être antifasciste. Les comptes-rendus d'exposition ou les descriptions architecturales sont également très intéressantes : il ne s'agit jamais de simples analyses objectives, mais il y a, outre l'érudition, un esprit sarcastique, provoquant, avec d'innombrables plaisanteries et allusions à des personnages en vue (éclairées dans les notes) de la société palermitane.
En quelques mots. On sent combien Lampedusa s'est nourri de culture anglo-saxonne (Kipling, Wilde). C'est un livre qui aurait eu sa place naturelle dans la bibliothèque idéale de Borges, pour donner une idée générale de ce type d'ouvrage qui ne doit pas être lu comme une simple correspondance, mais plutôt comme une sorte de témoignage poétique et reconstruit, un peu aussi du type de la collection « Temps retrouvé » au Mercure.
L'auteur. Giuseppe Tomasi di Lampedusa (1896-1957) est l'auteur du Guépard.
Figures de la mélancolie réunit huit brefs essais sur l'art à travers lesquels le lecteur retrouve d'incontournables chefs-d'oeuvres : Goya, Turner, Hopper entre autres artistes des cultures française et italienne dans une lecture associée à des concepts comme le paysage, le pathos, la vanité ou la lumière : "Des années plus tard, quelques impressionistes français (...) se décrivent acharnés à saisir 'les phénomènes fugaces de la lumière'. En 1799, Turner réalise la série d'aquarelles consacrées à l'abbaye de Fonthill saisie en différents moments de la journée, c'est-à-dire de la luminosité ; Claude Monet, un siècle environ plus tard, fera la célébrissime série La Cathédrale de Rouen avec toutes les possibles variations de lumière (...). En l'espave de cent ans... la lumière de la modernité se définit aussi comme la lumière de la précarité. Lumière sécularisée d'un monde désacralisé..."
Alassio, sur la côte ligure, 1939. Giovannino a huit ans et coule une enfance heureuse dans la villa Géranium protégé par l'affection de sa mère et de sa grand-mère, et ce malgré l'absence de son père. L'oncle Pino, la tante Marta, les petits Garibaldi, les fils du gardien, Mr. Sweet, le professeur de tennis, Maître Riedl achève de composer son petit monde.
Le gamin a une passion pour le tennis, et lorsqu'il n'est pas assis sur les bancs de sa classe, il s'entraîne sans relâche. Cette passion le tient si fort, qu'un jour, pour gagner du temps, il décide d'aller directement à l'école avec sa tenue de tennis " chemise et pantalon blanc, pull-over blanc à torsades bordé de bleu ". Ce grave manquement au règlement scolaire, qui impose la chemise noire, symbole de la révolution fasciste, va lui valoir d'être renvoyé comme " élément préjudiciable à la santé morale de ses camarades ", et parce qu'il révèle " une préoccupante attitude subversive à l'égard des institutions de la patrie ".
En fait, c'est grâce au sport, au tennis, et aux leçons et conversations d'une vieille princesse russe exilée que Giovannino va percevoir d'une manière floue, encore très naïve, qu'un monde est en train de disparaître, que la haine va remplacer les échanges entre les hommes et les peuples, et qu'il est indispensable de forger les fondements d'une morale, à l'heure où son pays glisse de plus en plus dans l'horreur. et y bascule avec la déclaration de la guerre.
Cette prise de conscience progressive se manifeste par le rythme des chapitres, très courts, par la succession des anecdotes où Giovannino " affronte " et " analyse " les différents protagonistes de cette histoire (sa mère trop frivole, sa grand-mère trop mesquine, les enfants du gardien, le professeur de tennis, le colonel allemand.), et par l'omniprésence du court de tennis, lieu d'initiation par excellence, loin de l'embrigadement de la villa et de l'école.
Sicile, 1861. L'Italie est dans la tourmente. Une jeune aristocrate, Margherita, n'accepte plus de jouer l'épouse parfaite : elle enfonce une épingle à cheveux dans le coeur de son époux endormi et, habillée en homme, rejoint la bande armée du brigand Spaziante. Arrêtée par les soldats de Victor-Emmanuel, elle est jetée en prison. Vingt ans plus tard, du fond de sa cellule, la Briganta entreprend le récit de sa vie. Le désir, les passions vibrent. Le scandale est partout, dans la mort donnée et reçue, dans les viols des corps et des maisons, dans l'écriture. Violence sourde, maîtrise et tension. Cri de révolte et revendication de la liberté. Maria Rosa Cutrufelli, née en 1946 à Messine, collabore à de nombreuses revues littéraires de son pays, et consacre l'essentiel de ses recherches aux conditions de vie et de travail des femmes en Sicile et dans le Mezzogiorno.
Quelles est donc cette jeune femme qui voit dans la maladie et la mort l'accomplissement de sa sainteté ? même si son nom n'est jamais prononcé, c'est bien de sainte thérèse de lisieux qu'il est question.
Au lieu de proposer une reconstitution historique de ce personnage singulier, elisabeth rasy décrit le cheminement, les naïvetés et la fragilité d'une toute jeune fille qui avait en horreur l'apparat de l'eglise et ne visait que la disparition de son corps. dans sa quête de réconciliation entre l'âme et le corps, thérèse confond sa maladie avec ce qu'elle appelle sa " première extase ". le lien morbide que ce personnage entretient avec la réalité n'est pas seulement un problème religieux.
C'est aussi un problème littéraire qui permet à l'auteur de passer insensiblement d'une psychologie caractérielle à une vision du monde envoûtante.