-
" Le vent de ses yeux m'emporte vers lui, et même si mon corps immobile résiste, ma main se retourne pour rencontrer sa paume. Dans le cercle de lumière la vie de ma main se perd dans la sienne et je ferme les yeux. Il me soulève de terre, et dans des gestes connus l'enchantement de mes sens ressuscite, réveillant à la joie mes nerfs et mes veines. Je ne m'étais pas trompée, la Mort me surveille à distance, mais juste pour me mettre à l'épreuve. Il faut que j'accepte le danger, si seul ce danger a le
pouvoir de rendre vie à mes sens, mais avec calme, sans tremblements d'enfance. " L'Art de la joie est principalement le roman d'une vie, celle de Modesta, personnage magnifique né le 1er janvier 1900 sur les pentes de l'Etna, en Sicile. Du chaos misérable de son enfance aux hasards de la vie qui feront d'elle l'héritière insoumise d'une famille dégénérée de nobles siciliens, c'est en fait à un apprentissage
de la liberté que cette ouvre nous invite.
Dix ans après sa première parution en France, l'édition semi-poche (collection Météores) du chef-d'ouvre de Goliarda Sapienza. L'auteur Goliarda Sapienza (1924-1996) est née à Catane dans une famille anarcho-socialiste. Son père, avocat syndicaliste, fut l'animateur du socialisme sicilien jusqu'à l'avènement du fascisme. Sa mère, Maria Giudice, figure historique de la gauche italienne, dirigea un temps le journal Il grido del popolo (Le Cri du peuple).
Tenue à l'écart des écoles, Goliarda reçoit pendant toute son enfance une éducation originale, qui lui donne très tôt accès aux grands textes philosophiques, littéraires et révolutionnaires, mais aussi à la culture populaire de sa ville natale. Durant la guerre, à seize ans, elle obtient une bourse d'étude et entre à l'Académie d'art dramatique de Rome. C'est le début d'une vie tumultueuse. Elle connaît d'abord, très rapidement, le succès au théâtre, avant de tout abandonner pour se consacrer à l'écriture.
S'ensuivent des décennies de recherches et de doutes, d'amours intenses. Son ouvre, complexe et flamboyante, laisse les éditeurs italiens perplexes et c'est dans l'anonymat que Goliarda Sapienza meurt en 1996. Elle ne trouve la reconnaissance qu'en 2005 avec le succès en France de la traduction de son roman L'Art de la joie. Depuis, ses livres sont redécouverts en Italie. Les éditions Le Tripode
conduisent désormais la publication de ses ouvres complètes. -
L'homme qui savait la langue des serpents
Andrus Kivirähk
- Le Tripode
- Meteores
- 28 Mai 2015
- 9782370550637
L'Homme qui savait la langue des serpents raconte l'histoire du dernier des hommes qui parlait la langue des serpents, de sa sour qui tomba amoureuse d'un ours, de sa mère qui rôtissait compulsivement des élans, de son grand-père qui guerroyait sans jambes, de son oncle qu'il aimait tant, d'une jeune fille qui croyait en l'amour, d'un sage qui ne l'était pas tant que ça, d'une paysanne qui rêvait d'un loup-garou, d'un vieil homme qui chassait les vents, d'une salamandre qui volait dans les airs, d'australopithèques qui élevaient des poux géants, d'un poisson titanesque las de ce monde et de chevaliers teutons un peu épouvantés par tout ce qui précède.
Peuplé de personnages étonnants, empreint de réalisme magique et d'un souffle inspiré des sagas scandinaves, L'Homme qui savait la langue des serpents révèle l'humour et de l'imagination franchement délirante d'Andrus Kivirähk. Le roman retrace dans une époque médiévale réinventée la vie peu banale d'un jeune homme qui, vivant dans la forêt, voit le monde de ses ancêtres disparaître et la modernité l'emporter. Une fable ? Oui, mais aussi un regard ironique sur notre propre époque.
L'Homme qui savait la langue des serpents a reçu le Grand Prix de l'Imaginaire en 2014.
Andrus Kivirähk est un écrivain estonien né en 1970 à Tallinn. Véritable phénomène littéraire dans son pays, romancier, journaliste et essayiste, il est l'auteur d'une oeuvre déjà importante qui suscite l'enthousiasme tant de la critique que d'un très large public, qui raffole de ses histoires. Andrus Kivirähk écrit des romans et des nouvelles, des pièces de théâtres, des textes et des scénarios de films d'animation pour enfants. -
L'ultime roman ultime d'Edgar Hilsenrath en poche ? Un avertissement face au retour des extrémismes.
Hilsenrath raconte le retour de Lesche, survivant du ghetto, en Allemagne. Trente ans plus tard, il peine à trouver sa place dans Berlin, marqué par le consumérisme, la chute du Mur et la résurgence du fascisme, qui forment la trame de ce retour désenchanté au pays natal.
Écrivain de la Shoah et de l'exil, Edgar Hilsenrath livre avec Terminus Berlin un roman aussi ironique que poignant, celui du retour désenchanté en Allemagne. Son héros retrouve, comme Hilsenrath, son Allemagne natale près de trente ans après avoir quitté l'Europe et ses fantômes. Le temps est venu de faire le bilan d'une vie tourmentée.
Fidèle à son humour, Hilsenrath raconte avec un sens aigu de la dérision le destin de son alter ego littéraire. Lesche, traumatisé par son expérience du ghetto, peine à trouver sa place dans un Berlin marqué par le consumérisme et la chute du Mur. Les rencontres improbables et la résurgence glauque du fascisme forment la trame de ce roman lapidaire et ironique, qui émeut par la figure de clown triste que l'auteur y révèle.
Après avoir écrit ce roman, Edgar Hilsenrath décida que son oeuvre était close. -
1933. Max, le fils bâtard de la pute Minna Schulz, s'enrôle dans les SS à l'arrivée d'Hitler au pouvoir. Affecté dans un camp d'extermination où disparaissent son meilleur ami (juif) et toute sa famille, il endosse après la guerre l'identité de son ami assassiné. Max, devenu Itzig Finkelstein, épouse la cause juive et traverse l'Europe pour rejoindre la Palestine, où il devient barbier et sioniste fanatique.
Trente ans avant Les Bienveillantes de Jonathan Little, Le Nazi et le Barbier raconte l'Holocauste du point de vue du bourreau. L'humour (noir) en plus.
Écrit durant l'exil d'Hilsenrath à New-York, le livre fut d'abord un best-seller aux Etats-Unis avant d'être publié en Allemagne, avec un succès polémique. Désormais considéré comme un classique, ce titre montre un autre aspect, tout aussi iconoclaste, du génie littéraire de l'auteur de Fuck America.
Traduit par Jörg Stickan & Sacha Zilberfarb.
-
Le récit intime du naufrage amoureux et de la dépression de Goliarda Sapienza qui a précédé l'écriture de L'Art de la joie.
Pour qui admire Goliarda Sapienza, il est difficile d'aborder Le Fil de midi sans une émotion profonde, tant ce récit dévoile l'une des périodes les plus douloureuses et capitales de sa vie. En 1962, Goliarda Sapienza a 38 ans et n'a encore rien publié. Elle traverse une crise conjugale au début des années 1960 qui la plonge dans un dénuement qui s'accroit jusqu'en 1962, où elle fait une tentative de suicide. Sauvée, elle subit une cure d'électrochocs de laquelle elle ressort amnésique au point d'avoir oublié la plus grande partie de sa vie durant les dix dernières années. Elle est alors aidée par un jeune psychanalyste. Le Fil de midi se présente comme le récit de cette thérapie et du chaos intime qui traverse Goliarda Sapienza. -
Le chef d'oeuvre de l'un des écrivains argentins les plus importants du XXe siècle.
Peu de livres donnent au lecteur l'impression, dès les premières pages, d'être confronté à un chef d'oeuvre absolu.
L'Ancêtre, de Juan José Saer, appartient à cette catégorie.
" De ces rivages vides il m'est surtout resté l'abondance de ciel. Plus d'une fois je me suis senti infime sous ce bleu dilaté : nous étions, sur la plage jaune, comme des fourmis au centre d'un désert. Et si, maintenant que je suis un vieil homme, je passe mes jours dans les villes, c'est que la vie y est horizontale, que les villes cachent le ciel. "
Le roman est inspiré d'une histoire réelle. En 1515, un corps expéditionnaire de trois navires quitte l'Espagne en direction du Rio de la Plata, vaste estuaire à la conjonction des fleuves Parana et Uruguay. Mais, à peine débarqués à terre, le capitaine et les quelques hommes qui l'accompagnent sont massacrés par des Indiens. Un seul en réchappe, le mousse : fait prisonnier, accueilli dans la tribu de ses assaillants, il n'est rendu à son monde que dix ans plus tard, à l'occasion d'une autre expédition naviguant dans ces eaux. De ce fait historique Juan José tire une fable universelle qui interroge le sens des destinées humaines et le pouvoir du langage. Arrivé à la fin de sa vie, le mousse se souvient comment, soixante ans plus tôt, il a été amené pendant toutes ces années à partager l'existence d'une tribu d'hommes anthropophages au point de bouleverser sa vision du monde...
La première édition de ce livre a été menée par Flammarion en 1987. Cette nouvelle édition est postfacée par Alberto Manguel. La traduction, de Laure Bataillon a reçu en 1988 le prix de la meilleur traduction décernée par la Maison des Écrivains et des Traducteurs (MEET). Après la mort de la traductrice, il fut décidé que le prix porterait dorénavant son nom. -
Rendez-vous à Positano est un roman d'amour, un texte dédié à une femme et un lieu. Dans l'après-guerre, Goliarda Sapienza découvre un modeste village hors du temps, niché tout près de Naples : Positano. Elle y fait la connaissance d'Erica, une jeune femme qui allait devenir pendant près d'une vingtaine d'années une soeur d'âme. Longtemps après la disparition de son amie, en 1985, l'écrivaine décide de revenir sur cette histoire pour sauver de l'oubli ce qui fut balayé par le destin.
"Que se réjouissent les admirateurs que l'inoubliable Modesta a entraînés à sa suite dans l'inépuisable Art de la joie. Et que salivent aussi les novices. Nul besoin d'avoir les clés du temple pour accéder à ce nouveau trésor. Puisque Goliarda n'a jamais suivi l'ordre des choses, ils peuvent entrer dans son oeuvre par la porte de sortie. L'éblouissement n'épargnera personne [...]"
Marine Landrot, Télérama -
L'intensité d'un western, le rire de
Vol au-dessus d'un nid de coucou.
" Juan José Saer doit être ajouté à la liste des plus grands auteurs sud-américains. "
Le Monde
Argentine, 1804 : le docteur Weiss, adepte de la nouvelle psychiatrie, fonde une maison de santé pour malades mentaux. Son disciple, Real, reçoit une mission impossible : convoyer de Santa Fe à Buenos Aires une caravane de fous. S'y retrouvent deux frères atteints de délire linguistique, une nonne nymphomane, un dandy maniaque, un Indien au goût prononcé pour le violon et le massacre des blancs, deux soldats, trois prostituées...
Mais la pampa est immense, vide, insupportable. La civilisation semble de plus en plus lointaine, la frontière entre folie et normalité de plus en plus floue... -
L'Université de Rebibbia est le récit du séjour que fit Goliarda Sapienza dans une prison romaine en 1980. Moment critique dans la vie de l'auteur : après s'être consacrée de 1967 à 1976 à l'écriture du monumental roman L'Art de la joie et avoir fait face à un refus général des éditeurs italiens, c'est une femme moralement épuisée qui intègre l'univers carcéral de Rebibbia, la plus grande prison de femmes du pays. Pour un vol de bijoux qu'il est difficile d'interpréter : aveu de dénuement ? Acte de désespoir ? N'importe. Comme un pied de nez fait au destin, Goliarda va transformer cette expérience de l'enfermement en un moment de liberté, une leçon de vie. Elle, l'intellectuelle, la femme mûre, redécouvre en prison - auprès de prostituées, de voleuses, de junkies et de jeunes révolutionnaires - ce qui l'a guidée et sauvée toute sa vie durant : le désir éperdu du monde.
L'Université de Rebibbia est un nouveau tour de force dans l'oeuvre d'une femme au parcours décidément hors norme. Il fut immédiatement perçu comme un texte important en Italie. Publié par la prestigieuse maison d'édition Rizzoli, le livre fut accueilli avec enthousiasme par la critique et le public. On découvrait avec étonnement une écrivaine déjà âgée, partageant avec drôlerie et férocité son expérience d'une prison qui, pour reprendre ses mots, « a toujours été et sera toujours la fièvre qui révèle la maladie du corps social ».
-
Bandini, le héros de John Fante, a trouvé son héritier. C'est un branleur. Mais un branleur de génie !
1952. Dans une cafétéria juive à l'angle de Broadway et de la 86e rue, Jakob Bronsky, tout juste débarqué aux États-Unis, écrit un roman sur son expérience du ghetto pendant la guerre : Le Branleur ! Au milieu des clodos, des putes, des maquereaux et d'autres paumés, il survit comme il peut, accumulant les jobs miteux, fantasmant sous sa couette sur le cul de la secrétaire de son futur éditeur M. Doublecrum...
L'Amérique, ce " paradis ", est une jungle où la valeur d'un homme se juge à son portefeuille et où tout est marchandise : l'homme, la femme, le sexe, et aussi la littérature. Récit drôle et cruel, évoquant Roth ou Bukowski, Fuck America est en grande partie autobiographique : le livre s'inspire des conditions de vie de l'auteur à son arrivée aux États-Unis dans les années cinquante, alors qu'il travaillait comme serveur dans un delicatessen juif de New York.
Né en Allemagne en 1926, Edgar Hilsenrath a survécu au ghetto durant la guerre, avant de partir pour Israël, puis pour New York. C'est dans cette ville, où il enchaîne d'abord les petits boulots, qu'il commence véritablement l'écriture de son premier roman. Il écrit la nuit, dans des cafétérias juives sordides, et vit de rien. Toute son ouvre s'inspire de cette expérience marquée par la guerre et la solitude, mais sur un mode burlesque, quasi rabelaisien.
Longtemps refusé par les éditeurs allemands, qui craignent les réactions à son approche, très crue, de la Shoah, Edgar Hilsenrath connaît d'abord le succès aux États-Unis. Ce n'est qu'après son retour en Allemagne, en 1975, et la réédition de ses chefs-d'ouvres Nuit et Le Nazi et le Barbier, qu'il obtient la consécration dans son propre pays. Auteur d'une ouvre ample et à l'originalité sans équivalent, il est aujourd'hui considéré comme l'un des écrivains européens les plus singuliers de sa génération. -
L'hymne à l'enfance de Goliarda Sapienza
La ville de Catane, en Sicile, au début des années 30. Le fascisme se déploie sur l'île, quand une enfant ressort exaltée d'une salle de cinéma de quartier. Elle a la démarche chaloupée, une cigarette imaginaire au bec et l'oeil terrible. Elle vient de voir le film
Pépé le Moko et, emportée par cette incarnation du désir et de l'insoumission, elle n'a désormais plus qu'une idée en tête : être Jean Gabin.
Écrit par l'auteur de
L'Art de la joie dans les dernières années de sa vie, à un moment où son oeuvre demeurait méconnue,
Moi, Jean Gabin est un étrange roman autobiographique, l'histoire magnifiée d'une enfance dans la Sicile de l'entre-deux-guerres. Véritable testament philosophique, ce livre se révèle être un des plus beaux textes de Goliarda Sapienza, un éloge de la liberté et des rêves qui ont précocement nourri sa vie.
" (...) son irrépressible désir de croquer la vie ".
Fabio Gambaro, Le Monde.
" On se prend d'amour pour la voix de cette femme née artiste de la joie. " Clémentine Goldszal, Elle.
" Un bijou à partager. "
Christine Sallès, Psychologie magazine. -
Texte précieux pour les adorateurs de L'Art de la joie, Les Certitudes du doute clôt le cycle autobiographique que Goliarda Sapienza avait intitulé Autobiographie des contradictions.
Les Certitudes du doute est le récit de la relation passionnelle que Goliarda Sapienza eut, au début des années1980, avec une jeune femme révolutionnaire rencontrée en prison. Ensemble, elles vont parcourir Rome, une ville prise entre le poids de son histoire et la désolation de la modernité marchande.
Les Certitudes du doute dévoile aux lecteurs une nouvelle facette de Goliarda Sapienza, celle d'une femme éprise, qui fait des rues et des sous-sols romains le théâtre de ses émotions. Après
Moi, Jean Gabin, qui narrait son enfance en Sicile, et
L'Université de Rebbibia, récit de son séjour carcéral dans la prison de Rome, ce nouveau récit clôt le cycle autobiographique que Goliarda Sapienza avait intitulé
Autobiographie des contradictions. Le texte, précieux pour les adorateurs de
L'Art de la joie (on y découvre combien la personnalité sensible et généreuse de l'auteur a pu s'insuffler dans celle de son héroïne Modesta, et ce qu'elle a pu y fondre de désirs inassouvis et de soif d'absolu) est le témoignage d'un être qui n'a jamais cessé de remettre en question sa vie et le monde qui l'entoure. Ancrée dans son siècle autant que farouchement décidée à échapper aux embrigadements de toutes sortes, Goliarda nous donne une nouvelle leçon de vie.
" Goliarda Sapienza évoque la relation passionnelle qu'elle entretint avec Roberta, une jeune révolutionnaire toxicomane liée aux Brigades rouges. Roberta avait tout d'une danseuse "qui ferait des gestes début de siècle', et elle était une petite crapule - elle était la "Vie', nous dit Sapienza. "
Véronique Ovaldé, Le Monde
" Retrouvant Roberta, la tête lui tourne tant Goliarda Sapienza la désire. En plus de nous promener dans Rome, d'en restituer les sons, la lumière, le texte enregistre la fébrilité de l'auteur et sa maladresse. Il n'en est que plus hospitalier pour le lecteur. "
Virginie Bloch-Lainé, Libération -
Resté occulté en Allemagne près de 20 ans, Nuit est aujourd'hui considéré comme le chef-d'oeuvre d'Edgar Hilsenrath. C'est la nuit permanente sur le ghetto de Prokov. Au fil des jours, dans un décor apocalyptique, Ranek lutte pour sa survie. Les personnages sont réduits à des ombres... comme s'ils n'avaient plus ni âme ni corps. Pourtant, dans ce brouillard permanent, surnagent des éléments de vie : la faim, le froid, les scènes d'amour hâtives, de pendaisons (ratées) ou d'accouchement au milieu du ghetto montrent que l'humanité demeure.
Hilsenrath s'est inspiré pour Nuit de sa propre histoire, et du ghetto ukrainien où il a passé quatre ans entre 1941 et 1945. C'est d'ailleurs la genèse de ce livre, qu'il a réécrit vingt fois entre 1947 et 1958, qui est racontée dans Fuck America. En Allemagne, Nuit, publié en 1964, a été saboté par son propre éditeur, qui craignait les réactions à cette approche, très crue, de la Shoah : le livre, épuisé en un mois, n'a jamais été réimprimé. Aujourd'hui, Nuit s'est vendu à plus de 500 000 exemplaires dans le monde.
-
Après
L'Homme qui savait la langue des serpents, la deuxième oeuvre majeure d'Andrus Kivirähk.
Lire Andrus Kivirähk, c'est à chaque fois se donner la certitude que l'on va entrer de la façon la plus naturelle dans un monde proprement extraordinaire.
Les Groseilles de novembre démontrent un peu plus les talents de conteur de l'écrivain. Nous voici cette fois-ci immergés dans la vie quotidienne d'un village où tout pourrait sembler normal et où, très vite, plus rien ne l'est. Les seigneurs sont dupés par leurs serfs, des démons maraudent, des vaches magiques paissent sur les rivages, les morts reviennent, le diable tient ses comptes, une sorcière prépare ses filtres dans la forêt et, quotidiennement, les jeux de l'amour et du désir tirent les ficelles. À la fois drôle et cruel, le texte relève autant de la farce que de la chronique fantastique.
Les Groseilles de novembre est un best-seller et est considéré en Estonie comme le meilleur roman d'Andrus Kivirähk. -
Le vieux Thovma Khatisian n'est plus très séduisant. « Tu es affreux, Thovma Khatisian. Aucune femme ne s'éprendrait de toi, à part ta mère. Tes yeux sont chassieux et rivés au sol. De ta bouche entrouverte s'écoule de la salive puante. » Le pauvre bougre est sur le point d'expirer. Et il se souvient dans une dernière pensée de sa vie tumultueuse. Né en 1915, durant le génocide arménien, il porte dans sa chair la mémoire d'un peuple décimé...
Le Conte de la dernière pensée témoigne une nouvelle fois du génie d'Edgar Hilsenrath. L'auteur, survivant de la Shoah, y rend un hommage extraordinaire aux victimes du génocide arménien de 1915. Le livre mêle avec virtuosité le tragique et la farce ; il rejoint ainsi par sa puissance les autres romans, désormais cultes, de l'auteur : Nuit, Le Nazi et le Barbier et Fuck America. Seul des textes d'Egar Hilsenrath à ne pas être d'essence autobiographique, il s'inspire de recherches sur le génocide de 1915 et la culture arménienne tout en révélant un imaginaire hors norme.
-
Estonie, début du XXe siècle. Un soir, au sortir de l'usine dans laquelle il travaille, August rencontre par hasard le directeur du théâtre l'Estonia. Il quitte son emploi d'ouvrier et intègre la troupe, qui s'avère aussi loufoque qu'hypersensible : Pinna, le fondateur, les comédiens Alexander, Eeda, Sällik, Oskar... mais aussi Erika, sa future femme, qui rejoint le théâtre peu de temps après lui. Elle symbolisera le Papillon, l'emblème du théâtre, en lui insufflant la légèreté dont le début de siècle prive le pays. Les planches de l'Estonia sont bientôt le seul lieu où la liberté et l'amour peuvent encore résonner, où les rires de l'amitié, les jeux et l'espièglerie ont encore leur place. Mais le théâtre, comme le papillon, est gracile : la brutale réalité du monde s'y invite, et, aux alentours, le chien gris qui la représente rôde et menace de soumettre cette troupe de rêveurs solidaires à la violence, à la séparation et à la mort.
Roman le plus doux et mélancolique d'Andrus Kivirähk, Le Papillon est une ode à la vie, à son renouvellement perpétuel, et à la création artistique. L'Estonia, lieu des visions magiques et des craintes surnaturelles, dessine en creux les souffrances et la force du peuple estonien depuis la Première Guerre mondiale jusqu'à la seconde, en passant par sa première indépendance en 1920. La petite famille du théâtre, en défiant les lois toutes puissantes de la politique et de la nature par l'imagination et le jeu collectif, transcende son destin et dévoile ce qui demeure contre vents et marées : sa capacité à aimer et à se réinventer, toujours et sans contraintes.
« Le nouveau bâtiment du théâtre était presque achevé, mais il lui manquait encore son âme. De toute évidence, ni le gros scarabée bien sérieux ni la fourmi besogneuse n'auraient fait l'affaire, et encore moins la mouche grise ou le vorace cancrelat. Seul le papillon, qui voltige au-dessus des prairies estivales comme une fleur échappée de sa tige, ne vivant que pour la beauté, pouvait nous convenir - le papillon faible et fragile, à qui une blessure aux ailes coûte la vie et que le temps met à mort sans pitié, mais qui renaît chaque printemps sur les prés, car il a réussi, juste avant de disparaître, à déposer sa ponte, d'où naîtra une descendance si rigoureusement semblable à lui qu'on croirait presque que rien n'a changé. »
-
Glose, l'un des plus grands romans du célèbre écrivain argentin Juan José Saer, est un classique de la littérature mondiale.
« Un matin de printemps, deux amis, L'Adolescent et le Mathématicien marchent dans la rue ; le premier raconte au second une soirée d'anniversaire, à laquelle aucun des deux n'a assisté, mais dont le récit lui a été fait par un invité rencontré la veille. Au cours de la promenade, ils croisent une autre connaissance, Le Journaliste, qui donne sa propre version des faits.
De ce prétexte extrêmement simple, l'Argentin Juan José Saer tire (1937-2005) la plus fascinante des narrations. Et une mise en doute généralisée de tout ce que nous croyons vivre et percevoir. Expérience unique : le lecteur voit le roman s'inventer librement sous ses yeux, comme s'il l'écrivait lui-même. Il voit la conscience des personnages hésiter et leur mémoire se leurrer, comme s'il s'agissait des siennes, tandis que s'accumulent, touche après touche, non-dits, angoisses et illusions mises à mal. Ce roman inclassable, formidablement construit, m'en a davantage appris sur ce que nous sommes que vingt volumes de philosophie.
C'est un livre que j'essaye de faire lire à tout le monde. Tous ceux qui ont suivi mon conseil sont sortis de cette lecture aussi euphoriques que moi. Et incrédules : comment expliquer que Glose, ce roman parfait [...] ne soit pas déjà un classique ? » Jean-Hubert Gaillot, auteur de la postface.
-
Après le succès américain du
Nazi et le barbier, le cinéaste Otto Preminger commande
un synopsis à Hilsenrath, qui écrit en six jours
Orgasme à Moscou. Dans cette réécriture
déjantée d'OSS 117, l'auteur de
Fuck America abandonne toute limite et se livre à une
mémorable surenchère burlesque.
Une parodie de roman d'espionnage écrite en réponse à une commande d'Otto Preminger.
Guerre froide, 1970. La fille du patron de la mafia new yorkaise, Anna Maria Pepperoni, connaît son premier orgasme lors d'un voyage de presse à Moscou. Le responsable ? Sergueï Mandelbaum, fils de rabbin et dissident juif fauché doté d'une étonnante propension à susciter des orgasmes. La mafia met tout en oeuvre pour le faire venir aux États-Unis afin d'épouser Anna Maria, mais le passeur qu'elle a recruté est un dangereux dépeceur sexuel. Les obstacles, et pas seulement diplomatiques, s'accumulent...
Après le succès américain du Nazi et le barbier, le cinéaste Otto Preminger commande
un synopsis à Hilsenrath, qui écrit en six jours Orgasme à Moscou. Dans cette réécriture
déjantée d'OSS 117, l'auteur de Fuck America abandonne toute limite et se livre à une
mémorable surenchère burlesque. Truffé de références à la situation politique de l'époque, le livre, dénué de (presque) tout sérieux, est un divertissement électrique sur fond de guerre froide. À côté de toute une mafia de pacotille, le livre met aussi en scène Brejnev, Nixon, Moshe Dayan et le président du conseil italien, obsédé sexuel (déjà !) -
" Je ne vois pas comment on peut se remettre de cette lecture, c'est hallucinant. Personne n'a parlé de la Seconde Guerre mondiale comme cette femme. " Juliette Arnaud, France Inter.
Un nouveau classique à ranger aux côtés des livres de Charlotte Delbo, de Primo Levi et de Ruth Klüger.
Publié pour la première fois en 1979,
Le Détour est le fruit de vingt-cinq années d'écriture. Il relate le parcours de Luce d'Eramo qui, élevée dans une famille de dignitaires fascistes, partit de son propre chef en Italie en 1944 pour intégrer un Lager, un camp de travail nazi. S'il demeure méconnu en Italie,
Le Détour rencontra immédiatement en Italie un immense succès et connaît depuis quelques années une nouvelle vague de traductions dans le monde entier. La force et l'acuité de ce texte - qui traque aussi sans complaisance les travestissements de la mémoire - le rattachent de fait aux plus grands témoignages de femmes sur l'expérience des camps, tels ceux de Charlotte Delbo et de Ruth Klüger.
Nous devons la découverte de ce livre à ce passage des
Carnets de Goliarda Sapienza : " Fini de lire
Le Détour de Luce d'Eramo, assurément le plus beau livre de ces dix dernières années et peut-être un chef-d'oeuvre absolu ; cela m'obligera à relire
Si c'est un homme et
Le Dernier des Justes, pour vérifier ce que je soupçonne. C'est-à-dire que le livre de Luce est le plus actuel sur ce sujet, le plus durement approfondi dans la démonstration de l'aventure nazie, le plus polémique et courageux. "
L'originalité du
Détour tient de fait à ce que vécut Luce d'Eramo durant la Seconde Guerre mondiale mais aussi au difficile processus de remémoration dans lequel elle s'engagea par la suite, et dont le livre témoigne. Les textes qui composent ce récit ont été écrits successivement en 1953, 1954, 1961, 1975 et 1977. Ils sont présentés dans l'ordre chronologique de leur rédaction, et non dans celui des événements qu'ils décrivent. La confusion qui en découle parfois répond à celle que connut Luce d'Eramo, aux esquives de sa mémoire et aux détours qu'elle emprunta avant de retrouver la cohérence de son histoire.
À sa publication en Italie, en 1979, le livre rencontra des centaines de milliers de lecteurs. En se plongeant dans ce texte, il revient au lecteur francophone de vivre à son tour - au-delà de l'histoire stupéfiante d'une adolescente idéaliste faisant volontairement l'expérience des camps nazis - l'expérience d'une femme en quête de sa vérité. -
Arrache´ a` l'insouciance et l'espièglerie de l'enfance par la terreur nazie, le jeune Ruben Jablonski se retrouve a` la sortie de la Seconde Guerre mondiale dans une situation de´sespére´e. Libéré´ d'un ghetto, séparé´ de sa famille et a` la recherche d'un nouveau destin, il s'engage dans un périple épique qui le conduit de la Roumanie aux États-Unis, en passant par l'Ukraine, la Turquie, la Palestine et la France...
Les réminiscences enfantines, l'humanité´ qui survit a` l'horreur et l'amour de la littérature pour unique boussole confèrent aux Aventures de Ruben Jablonski une force et un humour rares. Edgar Hilsenrath a écrit ce roman en 1997, bien après les autres livres qui lui avaient déjà` apporte´ une renommée internationale. Et il en a fait la bouleversante synthèse des quinze années qui ont vu sa vie basculer.
-
Dans un monde délabré et sans nom, un homme, dit « la Taupe », écrit son journal. Il mène une vie banale, organisée autour de quelques obsessions quotidiennes : acheter de quoi manger, attendre à la banque, aller à la poste, éviter un voisin brutal. Vie étrange et burlesque que celle de cet homme... jusqu'à ce qu'on découvre que le district de sa ville est placé sous le contrôle d'une administration mystérieuse, qui surveille les habitants et tient des archives sur chacun d'eux. Passé un certain âge, la population doit rejoindre des clubs d'enterrement. Des personnes disparaissent, d'autres sont sauvagement battues. Des groupes de résistants se réunissent dans la clandestinité. La Taupe, seul, misérable et craintif, va tenter d'échapper à ce monde clos.
Publié aux Etats-Unis en 1992, Extraits des archives du district est un texte rare, qui se situe entre l'infra-ordinaire de Perec et l'univers contre-utopique du film Brazil. Il s'agit de l'unique roman de Kenneth Bernard.