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« Il n'y a rien de tel que la réalité. » On pourrait dire que ce livre est un récit de voyages dans la réalité ou vers la réalité. Avec un premier voyage, il y a plus de vingt ans, où deux jeunes femmes en sac à dos, Netcha, la narratrice, et Maga, une amie espagnole, essaient de rejoindre un village du Chiapas, au Mexique, appelé précisément La Realidad. « Des sources fiables, dit cette amie, lui assuraient que le Sub, alias le souscommandant Marcos, était à La Realidad [...] Marcos est dans la réalité. » Quête autant politique (la rencontre avec les mouvements révolutionnaires zapatistes) qu'initiatique et intime. Si les deux amies renoncent en chemin, elles ne renoncent jamais vraiment. Elles insistent, et par d'autres voies, par d'autres routes, par toute sorte d'approches, on les voit avancer à tâtons vers ce qu'elles imaginent comme un monde inconnu, un monde nouveau, un monde autre. Pour Netcha, l'autre, ce sont avant tout les Indiens qu'elle aimerait rencontrer tout en ayant très peur de cette rencontre. Elle a peur de porter sur les épaules le poids de l'histoire, d'être une représentante du peuple de colonisateurs dont elle est issue, d'avoir lu trop de livres, de passer à côté de ce qui importe vraiment, c'est-à-dire l'altérité. Et c'est bien sûr quand elle décide d'arrêter de voyager, que le vrai voyage commence vraiment.
« Combien de fantômes murmurent encore dans ce livre ? » se demande, à la fin, la narratrice. Celui du mystérieux leader zapatiste, le sous-commandant Marcos, ceux des Indiens en lutte du Chiapas, celui d'Antonin Artaud qui en 1936 fit un voyage énigmatique au Mexique, mais aussi les fantômes d'une existence en quête d'un lieu autre, et le fantôme de la réalité, celui de nos blessures et de nos illusions. Ce nouveau livre de Neige Sinno, autobiographique lui aussi, confirme avec profondeur son immense talent d'écrivain, et offre un récit magique sur l'aspiration autant intime que collective d'un autre monde possible : « Il y a bien une question de stratégie, de choix, de recherche des armes qui nous permettraient de faire advenir un autre monde, mais les forces prennent des chemins qui ne sont pas ceux qu'on croit, plus longs, plus souterrains et moins clairs que ce que l'on souhaiterait. » -
J'ai voulu y croire, j'ai voulu rêver que le royaume de la littérature m'accueillerait comme n'importe lequel des orphelins qui y trouvent refuge, mais même à travers l'art, on ne peut pas sortir vainqueur de l'abjection. La littérature ne m'a pas sauvée. Je ne suis pas sauvée.
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C'est l'histoire d'une jeunesse, peut-être la vôtre. C'est l'histoire de jeunes gens qui ont rêvé dans leur enfance, leur adolescence, que le monde serait ouvert pour eux, qu'ils seraient libres, que tout serait possible. Ils se prennent ensuite la crise, la réalité, en pleine face ; le chômage, les frontières, la nature dévastée. On les rencontre à ce moment-là, autour d'un camion qu'on leur a prêté, avant qu'ils ne se lancent chacun de leur côté dans leurs vies, comme dans une attente de vivre.
Ils sont jeunes adultes, frustrés, rêveurs, ambitieux, résignés, tous partagent l'envie d'ailleurs. Pour cela, ils ont un camion. Il ne les transporte pas loin, il tombe souvent en panne, mais il les amène à rêver de destinations lointaines : la Chine, l'Afrique, etc.
Le camion c'est comme leur propre vie, la possibilité de s'échapper, mais l'impossibilité de prendre l'élan. C'est un groupe d'amis qui aimerait voyager loin, mais la vie s'impose et les rêves passent.
Ce n'est pas un livre nostalgique, ni un road book, c'est un roman d'aventures qui se passe dans un camion qui n'avance pas très vite, mais qui va quand même plus loin que prévu.
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La Vie des rats est un recueil de douze nouvelles qui racontent des moments de vies à la dérive se croisant sur les routes du sud de la France et dans les rues de Marseille. Des personnages attendent que quelque chose arrive, se demandant vaguement ce qui est arrivé avant ou ce qui arrivera ensuite, comme si le réel était pour eux dans une brume, impossible à distinguer clairement. Par moments, une combinaison de hasards et d'actes de volonté leur permet d'avoir pour quelques instants le sentiment d'exister, leur révélant alors la présence des autres. Un livre sur la jeunesse et la solitude, ces abîmes dont on ne peut s'échapper qu'en acceptant de se perdre un peu.
Neige Sinno est née dans les Hautes-Alpes. A fait des études à Nice et à Marseille et a écrit des essais universitaires sur J.M.G. Le Clézio, B.M. Koltès, H. Selby Jr., Raymond Carver, Richard Ford et Tobias Wolff.