«L'anatomie, c'est le destin», tel est le maître mot de la
tradition patriarcale dans laquelle s'inscrit Freud, et qui
ne retient du masculin que la verticalité, emblème du
pouvoir. Or, en réduisant la masculinité à son symbole,
on relègue la vulnérabilité, la peau, la chair, le viscéral
du côté du féminin, d'où le paradigme de l'écorché.
Ce clivage - le sensoriel à la mère, l'esprit au père - traverse
la culture occidentale depuis ses origines grecques
et chrétiennes - ce qu'éclaire l'anthropologie, avec les
travaux de Claude Lévi-Strauss, Françoise Héritier et
Nicole Loraux. Captive de cet héritage, notamment en ce
qui concerne la définition de la fonction paternelle, la
psychanalyse la remet cependant en cause en interrogeant
l'érotique masculine, centrée sur un phénomène
d'irruption incontrôlable.
Devenu arpenteur du territoire stratifié de la mémoire, freud fait l'expérience d'un séisme: les scènes attachées aux réminiscences quittent leur ancrage dans le passé pour exiger une rétribution amoureuse immédiate.
Une créature hybride, " lucifer-amor ", dont le rôle est dit " indésirablement grand ", s'est donc invitée d'elle-même dans la scène analytique. une défense s'organise contre cet " enfer intellectuel ", dans lequel freud, côtoyant la pensée de spinoza, croit voir le fruit d'une " fausse liaison ". l'amour serait l'oeuvre d'une causalité sauvage posant l'autre comme cause d'une métamorphose de soi. " l'amour n'est rien d'autre que...
": telle est l'opération de " rabaissement " par laquelle freud, empruntant la formule à spinoza, introduit la définition de l'amour. en dépit des risques d'aliénation qui guettent la dépendance amoureuse, freud n'en décide pas moins de se faire avocat de la cause qu'il attaque: " on doit se mettre à aimer pour ne pas tomber malade ". la formule freudienne fait écho à une thématique racinienne. " elle veut voir le jour ", dit oenone de phèdre.
C'est sur fond d'interdit de naître que s'imposera l'urgence amoureuse, ouverte aussi bien sur le risque sacrificiel que sur l'impératif émanant de diverses sources: " vivez. "
Les rêves offerts par Freud dans L'interprétation des rêves, au-delà de leur dimension auto-analytique, nous confrontent à la face cachée, sombre, de l'opération analytique elle-même. Deux figures privilégiées de l'interprète:le père et le maître. Couple écartelé, interdisant au père la délimitation d'un espace propre:lorsqu'il s'affirme comme détenteur d'un pouvoir absolu, il se confond avec le maître, faisant planer une menace sur l'enfant. Menace que seul l'enfant peut déchiffrer.Pour lire ce qui se joue dans la fonction paternelle, il faudra alors laisser la parole à l'enfant, lui restituant sa bouche blessée. Le titre est extrait d'un rêve cité par Freud:l'enfant mort vient réveiller son père endormi en lui murmurant:«Père, ne vois-tu pas que je brûle?»
La définition ablative du féminin - «sexe auquel manque le morceau estimé par-dessus tout» - domine la construction freudienne au point de faire oublier que les déclarations inaugurables campent un maître crypto-féministe, faisant sienne la «protestation» émise par des femmes. Femmes qui défendent à la fois leur «espace creux» et leur «liberté» contre la pénétration de tout «corps étranger», la réaction défensive pouvant d'ailleurs se muer en tentative d'«admission». Or cet enchaînement d'opérations va servir à Freud de paradigme pour penser la topique psychique et la dynamique du refoulement.
Comment comprendre alors qu'une fois devenue la propriété de tous psychisme, cette ouverture de l'espace interne soit, dans la suite de l'oeuvre, déconnectée de la dynamique féminineoe Oublieuses de leur point de départ, les positions freudiennes s'enferment dans l'idéologie masculine qui tient la différence des sexes pour une différence de signes ou d'emblèmes visibles.
Faisant retour au Freud des origines et à la figure mythique de Psyché, Monique Schneider invite à pratiquer ouvertures et remaniements. Il s'agira de mettre en veilleuse la passion scopique pour laisser place à «la nuit des muqueuses», et de capter les productions oniriques nouant la jouissance et l'accès à cette «chambre supplémentaire». S'ébauche alors une «symbolisation du sexe de la femme» qui souligne d'autres traits que «ce caractère d'absence, de vide, de trou» que lui attribue Lacan à l'une des étapes de son parcours, et fait droit à ce qui, dans le rapport qu'entretient la femme avec son espace intérieur, met à mal les repères imposés par la logique de la castration.
L'expérience de la souffrance semble de celles qui, comme la faim, sont immédiatement données. Freud montre au contraire dans Esquisse pour une psychologie scientifique (1895) que l'accès à un tel éprouvé, qui s'ouvre sur l'émotion qualifiée de " souffrance ", ne peut avoir lieu sans " l'être proche ", qui reconnaît cette souffrance. Ainsi, c'est l'exigence éthique de l'attention portée à l'être souffrant qui rend possible l'expérience de la souffrance, c'est-à-dire sa reconnaissance et sa verbalisation éventuelle. Sans l'être proche, l'état de détresse, qui correspond à l'expérience originaire du réel, déboucherait sur une anesthésie hébétée, tels l'hospitalisme ou certains états psychotiques. Les conséquences de cette analyse sont considérables :le psychisme est un ensemble de processus de structuration rendant nécessaire la présence de l'autre - ce que l'on sait bien depuis Lacan, mais qui est souvent négligé dans l'apport qu'on attribue à Freud ; l'autre apparaît dans une dualité dramatique, puisqu'étant celui qui peut reconnaître et éventuellement réparer la souffrance, il est aussi celui qui peut renier l'enfant quand il répond à sa souffrance par un cri de détresse ; enfin, l'expérience de la souffrance place le jeune enfant au seuil du jugement (c'est à partir de la dualité première où plonge la souffrance que se construit la possibilité de l'attribution, du jugement).
Et si le désir était le moteur qui nous anime et qui donne sens à notre vie ?
Pourquoi le désir est-il un véritable moteur d'action pour chacun de nous ? Comment agit-il ? Et que signifie-t-il ? Comment le clinicien peut-il faire émerger les désirs et lever les inhibitions ? Cinq psychanalystes répondent.
Les désirs au quotidien, le désir « projet », l'idéal vecteur de désir, le désir sexuel, le désir et la frustration... autant de facettes abordées dans ce livre.
On confond souvent le désir avec les envies, les caprices, la volonté de puissance, le sexe... Si ces notions contiennent leur part de vérité, elles ne suffisent pas à le définir. Et si le désir était avant tout le moteur qui anime le sujet et le conduit à s'investir dans l'existence à ses risques et périls.
Un homme, une femme. Deux artistes. Un couple uni par la poursuite du même idéal, lié par la communauté du travail, engagé dans la grande aventure de l'art abstrait. Dès leur prime jeunesse Robert et Sonia comptent parmi les protagonistes les plus hardis de cet art. Longtemps jugées scandaleuses, la peinture et la sculture abstraites conservent toute leur actualité stimulante en notre fin de siècle. Les recherches des Delaunay ont été au coeur de cette conquête de l'esprit. Amis des autres pionniers de l'abstraction : Kandinsky, Klee et Jean Arp, ils furent liées aussi à des poètes comme Apollinaire, Cendrars, Tzara et Soupault. Veuve depuis 1941, Sonia s'éteignit en 1979, non sans avoir joué un rôle décisif dans la révolution des arts appliqués. Nourri de documents inédits et de souvenirs personnels, ce livre constitue une contribution majeure à la connaissance de la vie artistique et intellectuelle de notre temps.
La collection est dirigée par Jacques André et Jean Laplanche. Les ouvrages associent auteurs français et étrangers, car il devient indispensable pour enrichir le débat en psychanalyse, de franchir les barrières linguistiques et de refuser la transformation des théories en dogme.