L'épistémologie n'a pas occulté la philosophie des sciences. Depuis que les sciences sont devenues multiples, relativement autonomes et interconnectées, la philosophie des sciences a retrouvé droit de cité à côté de l'épistémologie. Elle donne les conditions philosophiques élémentaires d'application de l'épistémologie aux pratiques scientifiques. L'étudiant débutant scientifique ou philosophe trouvera ici une introduction et un guide dans la philosophie des sciences illustré par des exemples historiques peu habituels; l'étudiant avancé y trouvera un accès aux problèmes posés par les sciences contemporaines (minimalisme et complexité), ainsi que des hypothèses pour comprendre l'intrication des disciplines scientifiques et philosophiques.
« Epistémologie générique, Manuel pour les sciences futures » donne à voir ce qui fait « science » en dehors des organisations disciplinaires. Notre capacité à caractériser ce qui est produit en dehors des disciplines académiques est limitée. Les initiatives interdisciplinaires se multiplient mais restent difficiles à transmettre tant elles reposent sur l' « intuition » des instigateurs et la somme de « petits riens » qui se placent mal dans le cadre épistémologique classique. C'est l'extension de ce dernier que vise ce manuel écrit « à quatre mains » par la philosophe Anne-Françoise Schmid et la biologiste Muriel Mambrini-Doudet sur la base de plus de 10 années de recherche en commun. Au fur et à mesure de l'ouvrage, apparaissent les composantes d'une science interdisciplinaire et ses conditions.
Dans ces nouveaux lieux et objets de science, l'éthique n'est pas mise de côté. Rien dans cet ouvrage n'est « donné », il ne s'appuie ni sur une trajectoire historique, ni sur des exemples pour ne pas limiter les envies d'explorer et reconnaître la valeur en soi de l'expérience. L'ouvrage est en revanche truffé d'exercices (expériences de pensée, expériences vécues, expérience de mise en visibilité, carnet de pratique, proposition d'expérimentation), pour « donner la main » à celles et ceux qui veulent multiplier des « espaces communs de science ». Ce livre est destiné aux académiques ou non, aux scientifiques ou non, agissant pour une conception collective de notre monde futur.
La rencontre entre l'artiste et la philosophe, qui travaillent ensemble à la création d'un espace commun.
Toute rencontre suppose un lieu. Lorsqu'un artiste et un philosophe se rencontrent, le lieu est en règle générale le champ de l'art ou celui de la philosophie. C'est-à-dire qu'elle est toujours le fruit de l'invitation de l'un par l'autre sur un terrain étranger. Il en résulte des échanges asymétriques où la philosophie est convoquée par l'artiste pour servir de support ou de cadre à son discours dans un cas, et où l'art est convoqué par le philosophe pour l'offrir à l'esthétique.
La philosophe Anne-Françoise Schmid et l'artiste Ivan Liovik Ebel ont décidé de travailler ensemble à la création d'un nouveau lieu qui ne soit pas exactement celui de la rencontre asymétrique habituelle. Soit un commun = X. De ce lieu, des matérialités originales pourront émerger qui ne cherchent pas absolument leurs points d'ancrage dans telle ou telle discipline. Leur projet consiste donc à « théoriser » une topographie de l'autre « espace » où se rejoindront les différentes matérialités.
Ce lieu particulier et délicat, incertain dans ses contours, en équilibre toujours précaire, produira les conditions d'une rencontre qui ne prenne pas place sur le terrain connu du dialogue courtois, mais sous une forme originale, sans tradition : une série de textes courts présentés sur deux colonnes et qui, sans s'interpeller ni se répondre tout à fait explicitement, communiquent de manière sensible.
Livre délibérement expérimental, il forge le scénario d'un texte aux lieux flottants, au-delà et en deçà de ses dimensions virtuelles. Il effleure à peine et très discrètement les oeuvres, théorèmes de l'âme de l'artiste et de la philosophe.
Modélisation et interdisciplinarité sont pensées comme les moyens incontournables pour appréhender les questions complexes et critiques qui se posent aujourd'hui aux sciences et aux sociétés. C'est avec l'ambition d'évaluer la relation entre ces deux discours de la méthode que le Petit Collège, dont cet ouvrage est issu, s'est réuni entre 2007 et 2011 lors de six séances au cours desquelles la parole a été donnée à douze "grands témoins" représentant six disciplines : anthropologie, biologie, géographie, linguistique, philosophie, physique. Une même question leur a été posée : quelle relation avez-vous établi dans votre démarche de scientifique entre modélisation et interdisciplinarité ? S'agissant de deux manières distinctes d'aborder une question de recherche, ce sont de la sorte les rapports entre les savoirs et les non-savoirs qui sont interrogés et finalement les disciplines elles-mêmes, mises en examen épistémologique à travers le récit de ces scientifiques.
À l'originalité du thème, devait correspondre l'originalité de la forme : pour restituer au lecteur toute la force du récit et les moments intenses d'écoute des personnalités interrogées, l'ouvrage est scandé par des "Acta" comme une pièce de théâtre, ce qui lui donne son caractère vivant.
On peut ainsi choisir de ne lire qu'un chapitre, ou de les lire à rebours : comme le voudront les chercheurs des EPST mais aussi les cabinets d'étude qui sont amenés à pratiquer l'interdisciplinarité, les étudiants de master ou les ministères, en particulier de la recherche et de l'écologie ou, simplement, les lecteurs curieux d'entendre certaines personnalités leur rendre intelligibles les questions et controverses qui parcourent les milieux scientifiques.
Cet ouvrage n'est donc pas un traité classique de théories des sciences, même si, en conclusion, il propose les éléments d'une nouvelle épistémologie élaborée sur le matériau de ces récits. Partant des régimes contemporains de modélisation et d'interdisciplinarité, il montre sur le vif qu'ils ne se recouvrent pas. Une connaissance de la première ne fait pas une épistémologie de la seconde. Et traitée à elle seule, l'interdisciplinarité reste une méthode flottante et instable. L'ouvrage pose les bases d'une épistémologie de l'interdisciplinarité qui tienne compte de la modélisation sans dépendre directement de disciplines particulières, en somme, une épistémologie générique où terrain et théorie se rejoignent.
Aujourd'hui, le travail de l'ingénieur ou du chercheur se fait principalement à l'aide des modèles. Des sciences de la matière à la sociologie en passant par l'environnement et l'économie, la modélisation est devenue, grâce à l'informatique, le mode d'expression le mieux adapté à la préparation des projets et à la décision collective sous toutes ses formes, parce qu'elle met en oeuvre naturellement l'interdisciplinarité indispensable aux problèmes complexes.
Faut-il prendre ces modèles pour la vérité ? C'est ce que prétendent souvent leurs auteurs. Pourtant, on voit bien à travers des cas concrets qu'on aurait pu prendre les choses autrement, qu'une autre approche aurait fait apparaître d'autres aspects, d'autres idées, d'autres risques.
Éclairé par diverses théories de la connaissance (W. Quine, T. Kuhn et U. Beck), ce livre montre que critiquer efficacement une modélisation nécessite de construire d'autres modèles du cas étudié. La contre-modélisation est la pratique indispensable aujourd'hui pour que la connaissance ne se cantonne pas à l'ésotérisme technocratique des boîtes noires ; elle doit être enseignée comme une dissertation scientifique, en suscitant la pensée critique.
Un public large trouvera dans ce livre matière à réflexion : les chercheurs et les doctorants d'abord, en situation de construire des modèles ; les membres actifs des associations qui s'engagent sur le terrain et sur internet, et sont amenés à participer à des modélisations ; enfin les enseignants qui, utilisant à juste titre la modélisation à des fins pédagogiques, sont souvent mal à l'aise avec le parti pris inhérent à une démarche de représentation.